lundi 22 février 2010

Racines, Exils

Ce matin sur France Inter, un thème récurrent dans l'actualité "Jeunesse et Violence". 

Parmi les invitées de Pierre Weil, Marie-Rose Moro, pédopsychiatre chef de service à l'hôpital Avicenne de Bobigny puis à la célèbre Maison des adolescents dite "Maison de Solenn". Elle se revendique "fille d'émigré Castillan", travaillant dans la droite ligne de Serge Lebovici et Tobie Nathan, autour de la psychanalyse de l'enfant et du bébé pour le premier, autour de l'ethnopsychanalyse pour le second. C'est justement en faisant des recherches sur l'ethnopsychanalyse que j'ai découvert Marie-Rose Moro. J'ai eu la chance et le privilège  de travailler avec elle et son équipe, autour du thème du bilinguisme. Je l'ai déjà dit ailleurs, la grande intelligence me fascine, si et seulement si elle est accompagnée de simplicité, de gentillesse, de naturel... Marie-Rose Moro fait partie de ces personnes-là, qui vous rendent meilleurs et auprès desquelles on se sent une compétence et une importance particulières.

Parmi tous les livres fort intéressants qu'elle a publiés, j'ai choisi de vous présenter Avicenne l'Andalouse, parce que mon petit doigt me dit que d'aucune pourrait y retrouver quelques racines semblables.


A l'heure où l'on nous parle tant de répression, d'identité nationale, il est important de lire et de dire : "Au début, racontez des histoires, nos histoires, pour ne pas laisser les autres nous raconter des histoires qui ne sont pas les nôtres, comme si c'étaient les seules possibles. Racontez des histoires, pour résister." Ce livre a été publié en 2004 mais il est, ô combien, d'actualité.

Elément central de l'ouvrage, pierre angulaire de ce récit, le témoignage d'Isidoro Moro Gomez est bouleversant. C'est le père de Marie-Rose Moro et on ne doute pas une seconde que la vie de l'un a fortement déterminé la vie de l'autre.

Autres terres d'origine, autres exils, racontés dans "Musulmans de France" à partir de demain soir, sur France 5 , mais mêmes douleurs, mêmes déchirements, mêmes questionnements : Indigènes, Immigrés, Français, trois épisodes qui seront disponibles en dvd au mois de mars. Cette suite documentaire n'est pas sans évoquer pour moi celle qui a déjà 13 ans, "Mémoire d'Immigrés". Yamina Benguigui avait choisi un découpage différent pour les témoignages reçus : "les pères, les mères, les enfants". Les larmes (communicatives) des premiers et des secondes expliquent bien la rage, la colère, les révoltes des derniers cités dans cette trilogie.

Reste que tout cela est bien difficile à gérer au quotidien. Et beaucoup plus complexe encore, si faire se peut, que ce qui est décrit et proposé par des personnalités, certes remarquables, mais qui pour la plupart,  vivent bien loin des lieux qu'elles nous donnent à voir.




Quelques pierres sur le chemin : "Quand quelqu'un revient au village, parce qu'il a échoué, qu'il n'a pas pu supporter la langue ou le travail, il est la risée du village pendant un certain temps. Ça, ce n'est pas pour moi, j'ai supporté la première épreuve, la seconde, et toutes celles qui viendraient si nécessaire, c'est ça la vie, sinon c'est pas la peine. Mais parfois, elle en demande vraiment trop la vie !" Isidoro Moro Gomez - "Une vie de sacrifice et de peine, celle d'un homme d'honneur" dans "Avicenne l'Andalouse".

13 commentaires:

  1. DECIDEMENT,
    J'aime tes billets, (je dis tes, j'espere que tu acceptera que je te tutoie)
    Je te disais donc:
    J'aime tes billets, pour l'ouverture qu'il propose,
    il y a quelques jours c'etait MME BADINTER, cela m'a donné envie de la connaitre...
    Aujourd hui aussi, tu me donne envie, d'aller plus loin, pour trouver une suite au billet de ce jour.....
    Alors, MERCI,
    les fenetres de lecture,
    et celles sur le monde en général,
    sont si nombreuses qu'on ne peut les ouvrir toutes, surtout sans etre guidée,
    C'est du moins ce que modestement je pense....
    MERCI, de me guider, c'est bien agréable....
    Excellente journée a toi claire

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  2. Passionnant ton billet et qui ouvre un vrai débat : celui de la nécessité de raconter des histoires, les nôtres, celles qu'on n'a pas vécues, celles qu'on a rêvé de vivre, et être à l'affût des histoires de ceux qui nous ont précédé, pour les faire revivre. Bonne semaine Odile

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  3. Oui, Odile, des histoires ! Des vraies et des contes aussi. Car les contes appartiennent à l'humanité, de même que les auteurs. Et ceux qui écoutent, de nationalités différentes, découvrent avec étonnement et joie que toutes les cultures racontent les mêmes histoires.
    Je me souviens de l'émotion de jeunes maltais (15 ans environ) quand je leur ai lu "La Dernière Classe" de Daudet.
    Car eux aussi ont du lutter pour avoir le droit de parler la langue de leur pays. Ils ne se doutaient pas que dans un "grand pays" comme el nôtre, une province ait dû subir cet affront.
    Bises
    P.))
    PS acceptes-tu que je te mette en lien sur mes blogs?

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  4. Je connaissais l'hôpital Avicenne et" sa raison d'être".

    Mais pas du tout ce livre.
    Il me semble que raconter des histoires...pour ne pas laisser les autres....peut s'appliquer à toute personne
    Dans le cas présent nous devrions,nous,(je ne parle pas de cette consultation mais de nous tous peuple français ),écouter leurs histoires,peut-être que nous les comprendrions mieux

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  5. Je ne connais pas du tout et tu m'invites à le faire. Merci Odile.
    "Écoutez et racontez des histoires pour résister"... Est-ce pour cela que l'on propose de réduire l'Histoire au lycée ? Un peuple est plus facile à manipuler quand il ne connaît pas son histoire... toutes les histoires...
    Belle soirée. BISOUS.

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  6. C'est vraiment gentil à toi Claire. Et c'est un plaisir, si mes petites fenêtres peuvent ouvrir sur d'autres horizons.

    C'est exactement ça Michelaise, tu rejoins ce qu'écrivent aussi Pomme et Lulu, il faut raconter des histoires,celles de la vérité, des vérités de chacun, celles qui sont inventées ou réécrites par tous.

    J'en suis bien convaincue, Pomme. J'utilise régulièrement des livres de contes créoles ou africains... Et les thèmes en sont bien souvent les mêmes que dans la vieille Europe ! Mais bien sûr tu peux "me" mettre en lien. Bises à toi.

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  7. C'est un peu, Aloïs, ce que nous suggèrent les deux séries de documentaires dont j'ai indiqué les références. Apprendre à dire, et apprendre à écouter.

    Oh oui Marité, il y a tellement à dire dans ce domaine (ce que tu fais sur ton blog, quand tu relaies les informations), le manque de moyens déplorable, les priorités oubliées, les choix discutables. Résister, comme tu dis, mais avec quelles bases pourront-ils le faire ?

    Lis-la Lulu (ça m'amuse toujours :-)) si tu as l'occasion. Ce n'est pas du tout larmoyant bien au contraire. Et je pense qu'on peut réécouter une partie de l'émission. Les histoires individuelles ne sont pas superposables bien sûr, on ne peut qu'y retrouver quelques éléments en commun, qui parfois (c'est le cas pour Isidoro Moro) recoupent l'Histoire. Merci beaucoup pour ton récit, très imagé comme d'habitude. J'aurais bien voulu être petite souris pour voir monter l'aïoli ma belle ! Je ne sais pas ce que ça fait une mayonnaise et un aïoli qui "montent" ensemble :-))
    J'ai entendu en effet des témoignages de personnes qui, comme toi, ont eu à prouver leur nationalité au moment de refaire cette carte qu'ils possédaient déjà ! L'inhumanité des textes confrontée à l'inflexibilité de ceux qui les appliquent.


    Belles et bonnes histoires à chacun de vous !

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  8. De "bonnes racines", la "mauvaise graine", "l'arbre et ses fruits"...on "récolte ce que l'on sème" mais donnons à nos enfants "des racines et des ailes" :)

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  9. J'ai failli commencer mon message en te disant qu'à me qualifier "d'aucune" je te soupçonnais de vouloir te faire petite souris lorsque je racontais mes 2000 ans d'histoire, décidément ;-))
    J'essaierai de lire ce livre (encore que je n'aime pas lire les histoires qui font écho aux miennes, l'Histoire oui, mais le reste m'ennuie souvent), mais elle est psychanalyste quand même cette dame... personne n'est parfait.
    Cette histoire de carte d'identité est une honte pour l'administration française, elle a reçu très peu d'écho médiatique, et s'est poursuivie gentiment jusqu'à il y a quelques jours, quand notre cher sinistre de l'identité nationale a dit que si l'on possédait la carte plastique on n'aurait plus à prouver quoique ce soit. De toutes façons, ce prospectus n'est pas obligatoire et Isabelle Monrosier sur France Inter disait qu'elle n'avait pas de carte d'identité depuis qu'on lui avait demandé de la légitimer autrement que par sa naissance. A noter aussi qu'il s'agit bien d'un traitement à la tête du client. La même carte renouvelée une autre fois dans une autre mairie et aucun justificatif demandé ni par la mairie ni par la préfecture.
    Douce France....

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  10. "Savez-vous planter les choux" Chic ? :-)) Les ailes, on les découvre sur ton blog... Pour les racines, c'est plutôt aux Cerisiers ;-) mais l'Aube est un excellent moment pour se voir pousser des ailes...

    Lulu on a dû être p'tites souris ensemble dans tes deux mille ans d'histoire :-) C'est vrai elle est psychanalyste la dame, mais elle est aussi docteur, ce qui devrait susciter ton indulgence :-))Bien entendu tout ce qu'elle dit n'est pas à prendre comme parole d'évangile (surtout par toi :-)) mais elle a une approche et une écoute qui rendent plus humains. Cela-dit, comme je l'évoque brièvement dans mon message, elle comme d'autres traitant de ce sujet ne donnent pas trop de pistes "concrètes" utilisables ici et maintenant et... vite, y'a le feu à la boutique. En plus ils habitent tous très loin de la boutique en question alors que moi j'y vis. Donc souvent tout cela (me) parait bien teinté d'angélisme.

    Tu as entendu certainement hier, que le Conseil Constitutionnel avait (enfin) épinglé l'administration française, à propos de la carte d'identité.

    Bon à part ça j'suis triste, je peux plus poster de message, c'est bloqué. Ce qui est rassurant, c'est que j'ai vu sur les forums que je ne suis pas la seule dans ce cas. Ce qui est moins rassurant, c'est que personne ne peut dire ni pourquoi ça bloque ni quand ça ne bloquera plus !

    A plus tard donc... bises

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  11. Entre cet article et les messages de Lulu Sorcière, je me suis "régalée". Merci à toutes les deux pour ces conseils de lecture et ces témoignages.

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