"Puis un char à bancs passait..."

Aujourd'hui est une date importante. Suffisamment importante pour que je reprenne le virtuel chemin des blogs, pour un anniversaire et un  hommage qui n'ont rien de virtuel.

Mon oncle Jean, je vous en ai déjà parlé plusieurs fois, ici par exemple, ou encore là . Mais la première fois que j'en ai parlé sur un blog, c'était sur celui de Lulu, à propos d'un Rodilard ;-) Et c'est cet article écrit en 2008 sur le blog des chats de Gloria/Lulu qui m'avait donné envie de me lancer dans l'aventure bloguesque.

Mais pourquoi un Rodilard, et d'abord, qu'est-ce donc un rodilard ? Vous trouverez la réponse chez un autre Jean . Mon oncle n'appelle jamais un chat autrement, parfois peut-être concède-t-il un "Raminagrobis" mais pas de simple "chat" chez lui, qui pourtant les aime tant ! Mon oncle aime parler par métaphore ou jouer des périphrases. Ainsi pour lui, se raser serait trop simple. Non, lui, chaque matin "procède à l'ablation de poils superflus et disgracieux encombrant son épiderme facial" ;-) Il consulte un disciple d'Esculape lorsqu'il est souffrant, et s'en va quérir ses "drogues" chez l'apothicaire, muni de son réticule plein d'espèces sonnantes et trébuchantes. Je dois à la vérité de dire que ce langage, que je trouve pour ma part fort sympathique et inventif, peut dérouter les auditeurs non avertis, voire agacer un tantinet son entourage immédiat !

De la même manière, et depuis que ma route d'enfant a heureusement croisé la sienne, je l'ai toujours entendu ponctuer son discours quotidien de phrases apprises au temps de l'école communale, et qu'il n'a jamais oubliées.

Pas un repas dominical, sans que le rôti ne soit salué d'un : "Avec quelques pommes de terre autour, Maman saura le grossir", qui fleure bon les lectures moralisatrices des années 30. Et j'en arrive à mon char à bancs qui fait le titre de l'article ! Il passa pour moi la première fois sur la route des plages de Trégastel. La petite fille de 7 ans que j'étais alors, trouvait le chemin bien long, et les chansons de ma tante Sylviane, ainsi que les petites phrases miracle de mon oncle Jean m'aidaient à parcourir  les quelques kilomètres à pied qui usent les souliers. Nous croisions encore,de loin en loin, dans la campagne bretonne des véhicules à l'ancienne. Alors mon oncle déclamait  : "Puis, un char à bancs passait, au trot saccadé d'un bidet !". Le rythme était toujours le même et j'entendais vraiment le trot de l'équidé... Je suis persuadée que le maître d'école de Jean avait prononcé cette phrase exactement telle que je l'ai entendue moi-même si souvent.

Et ce char à bancs, on le trouve chez Maupassant, dans la nouvelle "La Ficelle" !

Quant au char à bancs que j'ai choisi pour illustrer l'article, Pomme le reconnaitra certainement, puisqu'il vient de "chez elle" près de Dampierre.

Aujourd'hui Jean a 90 ans. Bon anniversaire tonton.

(enfin sur cette photo, il doit avoir un peu moins ;-))