jeudi 9 juillet 2009

Tant qu'y aura du linge à laver...

Voici un petit rebond, à partir du très bel article de Canotte sur la lessive., qui a fait naïtre en moi bien des images.



Personne n'est plus là pour me dire si, autour du lavoir de Verbiesles, en Haute-Marne, posent Marguerite, Elisabeth, Marie ou Eugène, mes ancêtres de ce village. Mais il est sûr que les familles Lapérouse, Michel, Souchenot, Voinchet, viennent y faire leur lessive ou faire boire leurs bêtes. Cette carte postale date du début du siècle.



Voici le lavoir de Chaumont (Haute-Marne), tel qu'il se présente aujourd'hui. On l'appelle le Lavoir d'En Buez, du verbe "buer" qui voulait dire "faire la lessive" dont on retrouve la racine dans "buanderie". Il a été construit au bord de la Suize, en contrebas de la ville, au 19e siècle.

Les lavandières, à pied d'oeuvre, dans la partie basse du lavoir, utilisée en période de basses eaux. Il fallait ensuite remonter avec un lourd chargement, la longue côte des Tanneries. Ce lavoir est parait-il le premier qui proposait dès sa conception des latrines... à plusieurs places ! C'est le petit bâtiment qu'on voit derrière sur la deuxième photo, avec des portes cintrées, et qu'on aperçoit aussi sur la carte postale du début du 20e siècle.



Les deux lavoirs de Roôcourt, près de Bologne, ont sans nul doute vu passer mes ancêtres Lapérouse, Voinchet, Husson, Doré, et tant d'autres...


... ainsi que ce joli lavoir de Bologne, dont j'ai trouvé la photo sur un site charmant "Notre passion des lavoirs"


Pierre Chapron a écrit un petit recueil sur l'Aube, autre terre de mes ancêtres, qui évoque les années 1920, "A l'Aube de chez nous" :


" Vous souvient-il de nos lavoirs"

" Où les femmes allaient par devoir"

" Battant fort le linge qu’elles lavaient "

" Colportant haut ce qu’elles savaient ."


Ce lavoir en planches, à Jeugny, bruisse encore des conversations rapportées par mon Oncle Jean, qui a été élevé dans ce village, par sa grand-mère Anna : "Dites voir, Mâme Jeanny, vous boirrrrrez bien un tilleu' cheu nous ?"


D'autres lavoirs fréquentés par mes ancêtres, Hortense, Juliette, Marguerite....Les photos viennent toutes du site "Passion des lavoirs" évoqué plus haut.

Le lavoir de Dixmont (Yonne)

Le lavoir de Dilo (Yonne)

Le lavoir de Villechétive (Yonne)

Il manque à cet album les photos de deux villages très importants dans ma généalogie, Cerisiers et Courgis. Je sais que le lavoir de Cerisiers existe toujours et l'immortaliserai à l'occasion. Pour Courgis, j'ignore si le village fait partie de ceux qui ont préservé leurs bâtiments anciens.


Et pour les nostalgiques, et parce que tout finit par des chansons, un air très connu des années cinquante, sans oublier qu'il n'y eut pas de lavandières qu'au Portugal ! En souvenir de la "Mère Denis" des années 80 et... de nos machines à laver modernes qui nous épargnent bien du tracas !




Un grain de sel grâce à Christine : l'un des lavoirs de Yerres, dont on peut voir sur cette carte postale ancienne qu'en 1903 il est encore tout à fait opérationnel. Voici le site qui permet de voir d'autres vues anciennes.





Le texte du jour :

"Sur le boulevard, Gervaise tourna à gauche et suivit la rue Neuve-de-la-Goutte-d'Or. En passant devant la boutique de Mme Fauconnier, elle salua d'un petit signe de tête. Le lavoir était situé vers le milieu de la rue, à l'endroit où le pavé commençait à monter. Au-dessus d'un bâtiment plat, trois énormes réservoirs d'eau, des cylindres de zinc fortement boulonnés, montraient leurs rondeurs grises ; tandis que, derrière, s'élevait le séchoir, un deuxième étage très haut, clos de tous les côtés par des persiennes à lames minces, au travers desquelles passait le grand air, et qui laissaient voir des pièces de linge séchant sur des fils de laiton. A droite des réservoirs, le tuyau étroit de la machine à vapeur soufflait, d'une haleine rude et régulière, des jets de fumée blanche. Gervaise, sans retrousser ses jupes, en femme habituée aux flaques, s'engagea sous la porte, encombrée de jarres d'eau de javel. Elle connaissait déjà la maîtresse du lavoir, une petite femme délicate, aux yeux malades, assise dans un cabinet vitré, avec des registres devant elle, des pains de savon sur des étagères, des boules de bleu dans des bocaux, des livres de bicarbonate de soude en paquets. Et, en passant, elle lui réclama son battoir et sa brosse, qu'elle lui avait donnés à garder, lors de son dernier savonnage. Puis, après avoir pris son numéro, elle entra. C'était un immense hangar, à plafond plat, à poutres apparentes, monté sur des piliers de fonte, fermé par de larges fenêtres claires. Un plein jour blafard passait librement dans la buée chaude suspendue comme un brouillard laiteux. Des fumées montaient de certains coins, s'étalant, noyant les fonds d'un voile bleuâtre. Il pleuvait une humidité lourde, chargée d'une odeur savonneuse, une odeur fade, moite, continue ; et, par moments, des souffles plus forts d'eau de javel dominaient. Le long des batteries, aux deux côtés de l'allée centrale, il y avait des files de femmes, les bras nus jusqu'aux épaules, le cou nu, les jupes raccourcies montrant des bas de couleur et de gros souliers lacés. Elles tapaient furieusement, riaient, se renversaient pour crier un mot dans le vacarme, se penchaient au fond de leurs baquets, ordurières, brutales, dégingandées, trempées comme par une averse, les chairs rougies et fumantes. Autour d'elles, sous elles, coulait un grand ruissellement, les seaux d'eau chaude promenés et vidés d'un trait, les robinets d'eau froide ouverts, pissant de haut, les éclaboussements des battoirs, les égouttures des linges rincés, les mares où elles pataugeaient s'en allant par petits ruisseaux sur les dalles en pente. Et, au milieu des cris, des coups cadencés, du bruit murmurant de pluie, de cette clameur d'orage s'étouffant sous le plafond mouillé, la machine à vapeur, à droite, toute blanche d'une rosée fine, haletait et ronflait sans relâche, avec la trépidation dansante de son volant qui semblait régler l'énormité du tapage." Emile Zola, L'Assommoir.

6 commentaires:

  1. Bonsoir Odile, il est bien tard donc je reviendrai en "visite" demain pour tout lire... que de souvenirs encore ces lavoirs où ma mère allait laver le linge familial (c'était pénible l'hiver) et ce jour-là, ce fameux jour de la "lessive", j'étais chargée, en tant qu'aînée des filles, de surveiller mes petites soeurs...
    Merci encore pour cette belle surprise,
    Bonne nuit,
    Bises
    Annick

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  2. Oh oui un régal cette flânerie sur la route des lavoirs, je crois bien que si on s'approchait sans faire de bruit on pourrait entendre au milieu des bruits d'eau, les conversations et les rires des anciennes laveuses, comme si les pierres les avaient enfermés en elles pour toujours.
    Yvette Giraud, magnifique, une belle silhouette mise en valeur par la mode des années 50 que j'aime tant, et un texte descriptif des lavoirs des villes par le grand Monsieur Zola.
    Franchement j'adore quand on rebondi ainsi de post en post. Merci Odile

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  3. Merci à toi Annick ! Eh oui, c'est fou ce que les filles de la maison devaient faire dans la famille, en ce temps-là ;-) !

    Moi aussi, Canotte, je trouve ces rebonds bien sympas. Les souvenirs de l'une en évoquent d'autres et nous écrivons des pages à plusieurs mains ! J'en suis ravie.

    Bonne journée à tous.

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  4. Je viens de remonter ton blog pour comprendre le pourquoi des Cerisiers de l'Aube.
    Ce sont donc tes racines qui sont à l'origine de ce si joli titre .
    J'y avais trouvé une explication lyrique mais c'est vrai que pouvoir l'ancrer à sa saga familiale , c'est encore mieux!!
    Et voilà que sur le chemin , aprés Baudelaire , je rencontre Zola un des écrivains qui a alimenté bien des lectures de mon adolescence.
    Gervaise et sa fin tragique , les lignes où elle appelle la mort de ses voeux , je me souviens les avoir comparé à "la mort des pauvres "de Baudelaire.
    Les lavoirs , il y en a un à Yerres , il faudra que je pense à le photographier.
    Combien d'histoires , ils ont du abriter et c'est vrai que si les pierres pouvaient livrer le secret des conversations , on serait sans doute surpris de savoir que nos ancètres n'étaient pas si différents de nous .

    Bonne journée à toi .

    Christine (mousya)

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  5. Voilà Christine, j'ai ajouté une vue ancienne d'un lavoir de Yerres, je ne sais pas si c'est celui dont tu parlais. Il est très beau et je serais ravie de savoir comment il a évolué.

    A bientôt.

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  6. Merci Odile pour cette vue du passé .
    Il me semble bien que c'est celui dont je te parlais et dés que Vickie et surtout son appareil photo rentrent de vacances , je ne manquerai pas d'y aller faire un tour et de t'envoyer la photo.

    Bonne journée à toi .

    Christine .

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